Cannabis à but thérapeutique

Explication du Département Fédéral de l'Intérieur (04.07.2018)

Contexte

Classé comme stupéfiant interdit en Suisse, le cannabis ne peut être en principe ni consommé, ni cultivé, ni fabriqué ou encore vendu. La loi sur les stupéfiants (LStup), révisée en 2011, autorise la prescription de médicaments à base de cannabis à des fins médicales, à certaines conditions toutefois. En effet, une autorisation exceptionnelle délivrée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est nécessaire à cette fin. Afin de l’obtenir, les médecins traitants doivent pouvoir démontrer que la maladie porte gravement atteinte à la qualité de vie de la personne concernée et que les autres thérapies n’ont donné aucun résultat.

Complexe, le système des autorités exceptionnelles se heurte à des limites sur les plans aussi bien pratiques que juridiques. La majorité des quelque 10’000 demandes d’autorisation déposées au cours des cinq dernières années, avec une tendance à la hausse, ont été accordées. Cela ne reflète plus le caractère exceptionnel au sens de la loi sur les stupéfiants. En exécution d’une interpellation parlementaire (motion Kessler, cannabis pour les personnes gravement malades), l’OFSP examine des solutions alternatives pour simplifier l’accès aux médicaments contenant du cannabis.

Usage à des fins médicales

Les plantes de cannabis contiennent une multitude de substances actives utilisées dans la pratique médicale pour traiter les douleurs suivantes : états douloureux chroniques, p. ex. en cas de de souffrances dues au cancer ; spasticité et crampes provoquées par la sclérose en plaques ; nausées et perte d’appétit suite à une chimiothérapie. L’intérêt pour les médicaments à base de cannabis a forte- ment augmenté ces dernières années en raison du large éventail d’utilisation et des nombreux rapports évoquant des traitements réussis.

Par médicaments à base de cannabis, on entend l’ensemble des produits à base de cannabis utilisés, fleurs comprises, indépendamment de leur classification juridique. Certains sont interdits en vertu de la loi sur les produits thérapeutiques ; d’autres (formules magistrales) sont autorisés, à certaines conditions, conformément à la loi sur les produits thérapeutiques.

La recherche concernant les médicaments à base de cannabis en est à ses débuts : leur efficacité n’est pas encore suffisamment prouvée au niveau scientifique. Des rapports d’expérience ont été rédigés pour de nombreuses applications mais aucune étude clinique pour en prouver la qualité, la sécurité et l’efficacité, condition préalable pour qu’un médicament à base de cannabis puisse être autorisé par Swissmedic et remboursé par l’assurance-maladie.

L’industrie pharmaceutique a, jusqu’ici, manifesté peu d’intérêt pour la recherche sur le cannabis. À l’heure actuelle, Sativex est le seul médicament à base de cannabis autorisé en Suisse en vertu du droit des produits thérapeutiques ; les médecins peuvent le prescrire sans autorisation exceptionnelle de l’OFSP et seulement en cas de spasticité sévère chez les personnes atteintes de sclérose en plaques.

Les médicaments à base de cannabis coûtent plusieurs centaines de francs par mois et ne sont pas remboursés par l’assurance-maladie (c’est également le cas du Sativex autorisé). Des études internationales permettent de supposer que, dans certaines situations, les personnes malades se procurent du cannabis par des voies illégales, à des fins d’automédication. La situation juridique est donc globalement insatisfaisante ; la législation ne correspond plus à l’état actuel des connaissances ni aux besoins des personnes atteintes.

Réglementation du Cannabis à l’étranger

Au niveau international, les réglementations diffèrent concernant l’acquisition de fleurs de cannabis et d’autres médicaments à base de cannabis. Dans certains pays, il n’y a pas d’accès prévu au plan légal. Dans d’autres, comme en Suisse, il est possible d’y accéder de manière restreinte ; et dans d’autres encore, les médecins traitants peuvent prescrire des médicaments à base de cannabis sans autre exigence. Quelques pays (p. ex., Canada, Allemagne, Pays-Bas, Italie) admettent également que les fleurs de cannabis soient utilisées aux fins d’une application médicale. Toutefois, seule l’Allemagne dispose actuellement d’une réglementation pour le remboursement dans ce dernier cas de figure.

Mesures du Conseil Fédéral

Le système des autorisations exceptionnelles atteint ses limites ; le Conseil fédéral souhaite donc examiner d’autres solutions pour répondre à une intervention parlementaire (motion Kessler) et faciliter l’accès au cannabis médicinal pour les personnes malades. Le cannabis pourrait, par exemple, être classé dans la même catégorie de stupéfiants que le fentanyl, la méthadone ou la morphine ; il passerait ainsi de la catégorie de stupéfiant « interdit » à celle de stupéfiant « contrôlé » pouvant être utilisé à des fins médicales. Une application non médicale ou non scientifique demeurerait interdite.

La levée de l’interdiction ne permet toutefois pas de garantir le remboursement des coûts. Le Conseil fédéral propose donc de créer les bases légales nécessaires à une collecte systématique des données afin d’améliorer les conditions pour le remboursement des médicaments à base de cannabis.